mercredi 18 mars 2015

Un problème de fuites ? Merci WikiLeaks !

Après notre dernier article sur les Anonymous, nous allons parler d'une autre entité faisant office de véritable figure de la liberté d'expression sur internet. 


Contrairement aux idées reçues, WikiLeaks n'est plus un Wiki  et n'est absolument pas une association de pirates qui vole des informations classifiées top secret auprès de la CIA, la NSA, le MI6, la DGSE, ou de la redoutable OSS. En réalité, WikiLeaks est une association à but non lucratif dont le but est de publier des fuites d'informations diverses tout en préservant l'anonymat des sources :

"The broader principles on which our work is based are the defence of freedom of speech and media publishing, the improvement of our common historical record and the support of the rights of all people to create new history. We derive these principles from the Universal Declaration of Human Rights. In particular, Article 19 inspires the work of our journalists and other volunteers. " (Cf. WikiLeaks, About)

Cette déclaration du site WikiLeaks fait référence à l'article 19 de la déclaration des droits de l'homme :

« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. »

WikiLeaks se présente donc comme un intermédiaire, défenseur de la liberté d'expression, entre la source et le lecteur. Cependant, les publications de WikiLeaks, reprises par les journaux du monde entier, déchaînent les polémiques et le site se voit victime de nombreuses attaques : intimidations, poursuites judiciaires, blocus financiers, attaques informatiques, ... Retours sur les faits.



Petit historique non exhaustif..

Le 4 octobre 2006, le nom de domaine wikileaks.org est enregistré.
En décembre 2006, le site WikiLeaks est mis en ligne et les premiers documents y sont publiés.

En janvier 2007, le cybermilitant australien Julian Assange  apparaît comme le porte parole de WikiLeaks (et l'un de ses co-fondateurs).. 
Toujours en 2007, WikiLeaks publie entre autre un rapport sur la corruption au Kenya et sur les détournements du président Mwai Kibaki qui a gagné des élections douteuses mais perdra ensuite ses élections législatives (probablement grâce à ces publications), ainsi qu'un premier rapport sur les méthodes d'interrogations des prisonniers de Guantánamo et plus particulièrement sur les tortures psychologiques infligées aux prisonniers du Camp Delta.

En janvier 2008, le site révèle des documents sur des activités offshore douteuses de la banque suisse Julius Bär, dont les relevés bancaires de 1 600 clients possédants des comptes dans les îles Caïmans.
Fin 2008, WikiLeaks dénonce Sarah Palin qui ne respecterait pas la loi sur les communications professionnelles 

En avril 2009, le site publie les 1 235 pages du rapport d’enquête sur l'affaire Marc Dutroux (le pédophile belge). Cette année là, ils diffuseront également des centaines de milliers de messages textes envoyés durant les attentats du 11 septembre 2001, ce qui sera mal perçu par les Américains.
Toujours en 2009, WikiLeaks obtient la liste noire des sites internet soit disant pédophiles, censurés par l'Australie. Cependant, des sites tout à fait légaux y figurent, par erreur ou par intérêt du gouvernement au pouvoir.WikiLeaks prouve ainsi que même une démocratie occidentale ne peut pas censurer le Web en respectant les libertés fondamentales, néanmoins le site est ajouté quelques jours plus tard sur la liste noire en question.

2010 est une grosse année pour WikiLeaks. En mars, 2 rapports de la CIA révèlent que l'agence souhaiterait couler le site, et impliquer l'Europe dans la guerre en Afghanistan en "culpabilisant l'opinion publique française". 
En avril, le site publia une vidéo que je déconseille aux âmes sensibles, montrant une bavure de l'armée américaine à Bagdad, où l'on voit un hélicoptère Apache tuer 2 photographes de Reuters durant une intervention.
En juillet, la plateforme, en collaboration avec The Guardian, The New York Times et Der Spiegel, publie les "Afghan War Diary" ou "War Logs". Ce sont 91 731 documents militaires américains portants sur la guerre en Afghanistan. Il s'agit de l'une des fuites les plus importantes de l'histoire de l'armée américaine et bien que la plupart de ces documents aient été classés comme peu sensibles, on y trouve des rapports sur des morts civiles ainsi que des preuves potentielles de crimes de guerre. WikiLeaks n'a bien entendu jamais révélé la source de ces documents mais l'armée américaine est persuadée qu'il s'agirait de l'analyste Bradley Manning. Ce dernier n'a jamais démenti les chefs d'accusation qu'ils lui sont reprochés et purge depuis juillet 2010 sa peine de 52 ans de prisons en isolement carcéral maximum à la base de Quantico en Virginie. Il est vrai que ces publications auraient pu mettre la vie des soldats en péril, cependant cette condamnation a créé de nombreuses polémiques et de nombreuses manifestations ont eu lieu tout autour du globe pour soutenir cet homme qui aurait participé au retrait des troupes américaines.
En octobre, le site publie  391 832 documents secrets sur la guerre en Irak,  dévoilant entre autre que troupes américaines auraient tué de nombreux civils et livré plusieurs milliers d'Irakiens à des centres de détention pratiquant la torture. Ils dévoilent également des abus de pouvoir puisque les dérives des forces de sécurité irakiennes semblent couvertes par la coalition.
En novembre, WikiLeaks entame la révélation de 242 270 télégrammes diplomatiques américains (Cablegate) qui "offrent un panorama inédit des négociations d'arrière-salle telles que les pratiquent les ambassades à travers le monde" (d'après le New York Times)

En avril 2011, le site publie les dossiers de 779 détenus de Guantánamo, révélant notamment le contenu d'interrogatoires, des photos, des rapports médicaux et des mémos. Selon ces dossiers, plus de 150 innocents d'origine afghane et pakistanaise, âgés de 14 à 89 ans ont été détenus des années sans être accusés.

En 2012, la plateforme publie des rapports sur la situation en Syrie ainsi que sur les politiques de détentions aux Etats-Unis.

En 2013, WikiLeaks publie les "Kissinger Cables" : un ensemble de 1,3 millions de câbles diplomatiques, 320 000 documents classés secret défense et 205 901 documents (correspondances, notes, etc.) liés à Henry Kissinger, (plus d'infos)

Comment ça fonctionne ?

Parce qu'une image est parfois plus claire que des mots, voici comment fonctionne WikiLeaks dans les grandes lignes :


Pour approfondir...



WikiLeaks ressemble donc à une véritable fenêtre donnant sur la liberté d'informations, grâce à une mine inestimable de documents publiés. En effet, la quantité de données confidentielles ou secrètes est simplement ahurissante comme le montre ces quelques statistiques :



Cependant, il est vrai que ces publications peuvent mettre des vies en périls, si l'on réfléchi par exemple à la situation des troupes sur le terrain, ou aux personnes protégées par le secret diplomatique comme le signale l'ancien ministre français Eric Besson  :

"Cette situation n'est pas acceptable. La France ne peut héberger des sites Internet qui violent ainsi le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique" (plus d'infos)

Pour ces raisons, WikiLeaks est victime de nombreuses poursuites judiciaires dans de nombreux pays mais également d'attaques diverses. Ainsi par exemple, VISA, Mastercard, Bank of America, PayPal et Western Union ont mis en place un blocus financier contre le site depuis décembre 2010, cependant WikiLeaks a pallié à ce problème en passant par la fameuse monnaie virtuelle, les Bitcoins (Cf. article sur e-commerce parallèle de ce blog).



A la lumière de ces informations et face à toutes ces polémiques autour de WikiLeaks, je vous encourage à réfléchir à la question : Faut-il condamner ou remercier WikiLeaks ?


2 commentaires:

  1. WikiLeaks nous permet de découvrir des secrets que les gouvernements nous cachent soi disant pour notre bien. Si nous avions su plus tot les horreurs commises pendant les guerres au Moyen-Orient, combien de temps auraient elles duré ?

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  2. La question que tu nous pose ne peux pas être tranché de manière radicale à mon avis.

    Je rejoins Quentin sur le fait que sur des informations qui nous sont présentées comme soi-disant secrètes pour notre "bien" et notre "sécurité" par les gouvernements, peut-être y a-t-il de l'abus (comme de la liste noire de sites du gouvernement australien, ou les tortures et emprisonnements abusifs de Guatanamo). Mais d'un autre côté quand on voit tout ce dont chacun est capable, en particulier aujourd'hui avec la rapidité d'échange des informations, peut-on réellement supposer que 100% des individus qui ont accès avec WikiLeaks et à de telles informations ne vont s'en servir qu'à but informatif pour s'indigner et protester contre les gouvernements et les organisations ?

    Il faudrait donc un filtre à la source de la divulgation de ces documents et données, mais comment trouver un modérateur impartial qui arriverait à définir quelle information est sensible ou pas pour la sécurité d'un pays ou d'une armée, et qui ne prendrait pas du tout parti ?
    Je pense que le site a simplement pour but de révéler des informations pour justement sensibiliser les personnes à la réalité de ce qui peut se passer dans le monde, sans conscience de bien ou de mal ou de prise de position et qu'au final l'équilibre se fait "naturellement" car chaque institution a des choses à cacher qui une fois Revelées pourront lui nuire.

    Le message que je retiens de WikiLeaks est donc plutôt une incitation à l'éthique et à la transparence de la part des institutions et organisation quelles qu'elles soient, ce qui rendrait le monde un peu moins crapuleux et dangereux qu'il ne peut l'être présentement !!

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